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03Fév.

Newsletter n°26 | Les conséquences pratiques de la réforme du droit des contrats


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La réforme du droit des contrats, entrée en vigueur le 1er octobre 2016, a entraîné des changements importants en droit des obligations. Le fil conducteur de cette réforme s’articule autour de 3 axes : simplifier les règles, limiter les recours contentieux et protéger les parties contractantes contre les déséquilibres avérés. L’intégration des nouvelles dispositions au sein des entreprises est indispensable pour en optimiser l’utilisation. Il est intéressant de passer en revue quelques aspects essentiels de cette réforme appliquée aux PME et TPE. Il faut d’ailleurs souligner que sur de nombreux points, le législateur n’a fait qu’entériner une jurisprudence.

Les négociations précontractuelles

Négociations libres, mais de bonne foi

D’une façon générale, la réforme du droit des contrats place la bonne foi au cœur de tout le processus contractuel. Les pourparlers sont libres, mais soumis à ce principe. Chacun peut donc rompre unilatéralement et à tout moment les pourparlers, à condition de le faire de bonne foi. Il s’agit d’avoir un comportement loyal vis-à-vis de son partenaire : il ne faut pas le tromper pour l’induire à conclure le contrat, ou à l’inverse lui faire croire fallacieusement jusqu‘à la dernière minute que l’on va conclure pour l’avertir ensuite brutalement de la décision de ne pas aller plus loin.

La rupture des pourparlers faite de mauvaise foi doit ainsi être considérée comme abusive quand un partenaire rompt brutalement les négociations, sans motif légitime, après les avoir fait durer pendant une longue période. C’est par exemple le cas de deux architectes qui avaient envisagé une collaboration sous forme d’une association et avaient entamé des pourparlers en vue de déterminer une structure juridique d’exercice en commun de leur profession. L’un deux ayant décidé de ne pas donner suite à ce projet d’association, l’autre l’a assigné en paiement de dommages et intérêts pour rupture abusive des pourparlers. Le caractère fautif de la rupture résidait dans le fait que l’architecte n’avait pas hésité à présenter le second architecte comme son associé, que celui-ci était considéré comme tel par les tiers, qu’il avait entretenu son confrère dans l’espoir d’une association à laquelle il avait finalement renoncé sans pour autant démontrer des manquements professionnels de celui-ci, mais guidé seulement par un « excès de prudence ».

Le préjudice réparable en cas de rupture abusive des pourparlers se limite à la perte subie et exclut le gain espéré de la conclusion du contrat. La divulgation d’une information confidentielle obtenue à l’occasion des pourparlers engage la responsabilité civile de l’auteur de la divulgation.

La consécration d’une obligation précontractuelle d’information générale

Le devoir d’information a, depuis la réforme de 2016, un caractère d’ordre public. Ce devoir suppose que celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant. Si la consécration d’une obligation précontractuelle d’information générale vise assurément à protéger le futur partenaire précontractuel, la notion d’ignorance légitime consacrée par le législateur comporte de nombreuses virtualités, de même que la charge probatoire de cette obligation.

A titre d’exemple, un vendeur professionnel est tenu de se renseigner lui-même sur la chose qu’il vend et sur les besoins de l’acheteur afin de pouvoir délivrer à l’acheteur une information pertinente. Cette obligation d’information qui pèse sur le vendeur professionnel fait naître une présomption de connaissance par lui du vice caché de la chose. A contrario, l’acquéreur, même professionnel, n’est pas tenu d’une obligation d’information au profit du vendeur sur la valeur du bien acquis.

Les avant-contrats

Le pacte de préférence et la promesse unilatérale sont deux avant-contrats désormais nommés dans le Code civil.

Le pacte de préférence est défini comme le contrat par lequel une partie s’engage à proposer prioritairement à son bénéficiaire de traiter avec lui pour le cas où elle déciderait de contracter. Il s’agit d’une promesse faite à une personne de lui proposer en priorité la conclusion d’un contrat. Le plus souvent, le pacte de préférence intervient en matière de vente : le propriétaire d’un bien promet de le proposer en priorité au bénéficiaire le jour où il se décidera à le vendre. Si le propriétaire vend le bien à un tiers sans le proposer au bénéficiaire, sa responsabilité contractuelle est engagée. Il est aussi possible d’engager la responsabilité du tiers avec qui le propriétaire a contracté. Ainsi, il est possible d’engager la responsabilité du tiers acquéreur qui a commis une faute de négligence pour n’avoir pas pris connaissance d’un pacte de préférence contenu dans un acte de donation-partage publié au bureau de la conservation des hypothèques.

Afin de renforcer la protection du tiers, le législateur met à sa disposition une action interrogatoire. Le tiers ne peut exercer l’action interrogatoire que s’il connait ou soupçonne l’existence du pacte de préférence, mais dans le cas contraire le tiers ne risque rien puisque la connaissance de l’existence du pacte de préférence est une condition de mise en œuvre des sanctions à son égard. Toute exclusion conventionnelle de l’action interpellatoire paraît exclue.

La promesse unilatérale est le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l’autre, le bénéficiaire, le droit d’opter pour la conclusion d’un contrat dont les éléments essentiels sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire. Il s’agit couramment des promesses de vente, qui ont pour objet d’engager l’une ou l’autre des parties dans l’attente d’un des éléments nécessaires à la réalisation de la vente, comme l’obtention d’un prêt.

La rétractation irrégulière de la promesse unilatérale est désormais sans effet, elle n’empêche pas la formation du contrat si le bénéficiaire lève l’option dans le délai convenu. Le bénéficiaire peut obtenir la nullité du contrat conclu en violation de la promesse unilatérale avec un tiers qui connaissait l’existence de celle-ci. Le tiers, qui ne dispose pas d’une action interrogatoire, comme avec le pacte de préférence, peut se retrouver dans une situation délicate et sera sans doute obligé de plaider dans tous les cas son ignorance de l’existence d’une quelconque promesse.

Le rééquilibrage des rapports de force entre cocontractants : La lutte contre les clauses abusives

Aux termes de l’article 1171 du Code civil, « Dans un contrat d’adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite. » Le contrat d’adhésion est un contrat non négociable et donc non négocié. L’ensemble du contrat est conçu et rédigé de manière unilatérale par l’une des parties sans que l’autre puisse discuter ou modifier le contenu. Il doit tout accepter ou rien. De nombreux contrats de la vie courante sont des contrats d’adhésion : contrat avec la SNCF, avec EDF, avec les banques, les assurances, etc. Ces types de contrat, impliquant souvent une partie en position de faiblesse ou de dépendance, comportent un grand risque de déséquilibre en faveur du rédacteur de l’acte, d’où l’intérêt de la lutte contre les clauses abusives.

Ayant pour finalité de protéger la partie faible, qui ne se limite pas aux seuls consommateurs, la lutte contre les clauses abusives va poser des difficultés d’interprétation. Il faudra veiller à bien articuler les dispositions du Code civil avec ceux du Code de consommation et du Code de commerce, ce qui ne sera pas dénué d’incertitudes. Par exemple, une partie pourrait envisager d’invoquer à la fois l’article 1171 pour obtenir l’éradication de la clause et l’article L. 442-6 du Code de commerce pour obtenir des dommages et intérêts. Dans tous les cas, n’entrent pas dans le champ d’application de l’article 1171 les contrats conclus par les professionnels avec les consommateurs ou les non-professionnels, contrats rentrant dans le champ d’application du Code de la consommation. L’article 1171 s’appliquera donc aux contrats dont aucune des parties n’agit à titre professionnel, à savoir les contrats entre des non-professionnels, des professionnels agissant pour leurs besoins personnels et non pour leur activité professionnelle, des professionnels et des non-professionnels qui concluent pour leurs besoins personnels. Ce texte pourra également s’appliquer aux contrats conclus entre professionnels quels qu’ils soient.

En luttant contre les clauses abusives au sein de tous les contrats d’adhésion, le champ de précaution des rédacteurs est très étendu. Il va falloir repenser la rédaction des clauses. L’art de la clause doit donc amener les rédacteurs à identifier, définir, anticiper, contextualiser, expliquer et justifier.

Une plus grande marge de manœuvre laissée aux cocontractants

La grande liberté contractuelle laissée aux parties par la réforme s’observe entre autres en trois points :

  • Tout d’abord, pour limiter les contentieux et favoriser les règlements à l’amiable des litiges, les parties peuvent désormais mettre fin au contrat sans passer devant le juge. De fait, en cas d’inexécution grave, la partie lésée peut mettre fin au contrat sans faire recours au juge. Si l’inexécution est partielle, elle peut demander une réduction du prix sans anéantir le contrat.
  • Ensuite, en cas de modification importante et imprévisible du contrat entravant sa viabilité économique, la loi prévoit la possibilité de renégocier les conditions du contrat. Ainsi, un sous-traitant mis en difficulté par une hausse subite du coût des matières premières pourra demander la renégociation du contrat.
  • Enfin, pour assurer une plus grande souplesse dans les relations contractuelles, la loi renforce le principe selon lequel une copie réalisée sur support électronique a la même force probante que l’original.

Le régime des restitutions

La nouvelle ordonnance a simplifié et unifié le régime des restitutions qui peuvent être dues après l’anéantissement du contrat. Plusieurs hypothèses peuvent être envisagées :

  • La restitution d’un bien : lorsqu’un contrat portant sur un bien est par exemple annulé, la restitution doit en principe se faire en nature, sauf impossibilité. La solution vaut pour tous les biens autres qu’une somme d’argent. Il y a impossibilité de restitution par exemple en cas de consommation d’un bien consomptible ou en cas de fourniture d’un contenu numérique. La valeur de la chose s’estime à la date de la restitution. Celui qui restitue la chose répond des dégradations et détériorations qui ont diminué sa valeur, à moins qu’il ne soit pas de bonne foi et que celles-ci ne soient pas dues à sa faute. Si le bien à restituer a été vendu, le débiteur ne restitue que le prix de vente s’il est de bonne foi. S’il est de mauvaise foi, il doit restituer soit le prix de vente du bien, soit la valeur au jour de la restitution lorsqu’elle est supérieure.
  • La restitution inclut les fruits et la valeur de jouissance que la chose a procurés. Les fruits doivent désormais être restitués sans que cela dépende de la bonne ou de la mauvaise foi du débiteur. En revanche, la date à laquelle leur restitution est due dépend de la bonne ou de la mauvaise foi du redevable. Seules les dépenses utiles pourront être remboursées.
  • La restitution d’une somme d’argent : elle inclut les intérêts au taux légal et les taxes acquittées entre les mains de celui qui l’a reçue. Le vendeur devra rendre le prix, sans appliquer de revalorisation.
  • La restitution d’une prestation de service consommée : elle se fait en valeur, valeur estimée à la date où la prestation a été fournie.

Dans tous les cas, les sûretés constituées pour le paiement de l’obligation sont reportées de plein droit sur l’obligation de restituer sans que la caution ne soit privée du bénéfice du terme.