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PME / TPE : Attention aux délais de paiement


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Depuis quatre ans, le ministère de l’Economie et des Finances organise des « Assises & Prix des délais de paiement » qui récompensent les entreprises qui mettent tout en œuvre pour réduire leurs délais de paiement. La 4ème édition de remise des prix se tiendra le 21 novembre 2017 au ministère. Cette initiative des pouvoirs publics, dont l’objet est de récompenser les entreprises « les plus vertueuses », vise à faire prendre conscience du fait que des pratiques exemplaires en matière de délais de paiement sont une clé pour redynamiser l’économie. Plus encore, le label délivré par le Médiateur des entreprises s’ouvre désormais aux PME-TPE et est rebaptisé « Relations Fournisseurs et Achats Responsables ».

Par l’encadrement légal des délais de paiement, l’Etat entend voler au secours de nombreuses entreprises qui sont incapables d’imposer ou d’obtenir des délais de paiement raisonnables. C’est souvent le cas des sous-traitants, PME et TPE.

Avec la loi sur la modernisation de l’économie du 4 août 2008 et la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite « Sapin II », le législateur a voulu corriger le constat suivant lequel les délais de paiement moyens en France étaient plus longs que dans d’autres Etats membres de l’Union Européenne (66 jours contre 57).

C’est ainsi que les délais maxima de paiement ont été fixés. Cependant, certaines entreprises ne manquent pas d’ingéniosité car elles car elles usent de stratégies pour contourner en toute impunité les impératifs légaux. C’est ce qui a justifié un durcissement des pénalités de retard en 2016.

I- L’encadrement des délais de paiement par la loi

Pour pallier les pratiques d’allongement anormal et malsain des délais de paiement, la loi prévoit que dans le cadre du droit commun, le délai de règlement des sommes dues est fixé au 30ème jour suivant la date de réception des marchandises ou d’exécution de la prestation demandée. Toutefois, ce délai de droit commun de 30 jours peut être modifié contractuellement par les parties, mais dans les seules limites autorisées par la loi. Ainsi, les parties au contrat peuvent déroger au délai de droit commun dans les limites suivantes :

  • 60 jours à compter de la date d’émission de la facture ; ou,
  • « 45 jours fin de mois » à compter de la date d’émission de la facture ;
  • en cas de facture périodique, le délai convenu entre les parties ne peut dépasser 45 jours à compter de la date d’émission de la facture.

Par ailleurs, des accords peuvent être conclus par des organisations professionnelles en vue de déroger aux délais de paiement mentionnés ci-dessus.

En outre, la loi Sapin II prévoit une nouvelle dérogation au profit des PME à l’export. Elle leur octroie en effet la possibilité d’allonger contractuellement le délai de paiement à 90 jours à compter de la date d’émission de la facture pour :

  • les achats effectués en franchise de la TVA ;
  • pour des biens destinés à faire l’objet d’une livraison en l’état hors de l’Union européenne.

La loi exclut expressément les grandes entreprises.

Dans ces différents cas de figure, le délai fixé doit être mentionné dans le contrat et ne pas constituer un abus. De plus, le contrat doit obligatoirement préciser les conditions d’application et le taux d’intérêt des pénalités de retard exigibles le jour suivant la date de règlement figurant sur la facture, ainsi que le montant de l’indemnité forfaitaire de 40 euros pour frais de recouvrement due au créancier.

Ces nouveaux délais de paiement s’appliquent indifféremment aux produits ou aux services et aux professionnels (peu importe qu’ils soient artisans, commerçants, industriels ou producteurs). De même, tous les secteurs économiques sont concernés à l’exception de ceux qui sont soumis à des dispositions réglementaires spécifiques ou à des accords professionnels dérogatoires. Ces délais de paiement spécifiques concernent entre autres le secteur du transport, des produits alimentaires périssables ou des boissons alcooliques. Cet encadrement législatif ne met cependant pas les entreprises à l’abri des pratiques de contournement des impératifs légaux.

II-  Les tentatives de contournement des impératifs légaux

Les délais maxima de paiement (60 jours à compter de la date d’émission de la facture ou 45 jours fin de mois) prévus par la loi ont un caractère impératif. En effet, ces délais s’imposent aux parties, qui ne peuvent pas y déroger contractuellement. Le choix entre ces deux délais est libre et il est donc tout à fait possible de prévoir des délais de paiement inférieurs.

Cependant, plusieurs stratégies permettent dans la pratique aux entreprises d’allonger les délais de paiement en contournant ainsi les exigences légales. Ainsi,

  • à l’initiative du fournisseur, un différé pouvant aller jusqu’à un mois dans l’émission des factures pour accorder un crédit supplémentaire aux clients ;
  • à l’initiative du débiteur, une globalisation en fin de mois du règlement de ses factures fournisseurs, quel que soit le mode de computation choisi par eux ;
  • une externalisation du traitement des factures vers des centres de paiement à l’étranger pour justifier de l’application de délais fournisseurs plus longs ;
  • une alternative dans le mode de calcul et de simulation de chaque transaction, afin de retenir au cas par cas l’option la plus avantageuse (60 jours nets, 45 jours fin de mois, fin de mois 45 jours) ;
  • une application de délais dérogatoires à des fournisseurs dont l’activité ne relève pas des accords concernés ;
  • un usage dilatoire de certains instruments de paiement, avec une remise tardive de chèques ou d’effets de commerce de manière à différer le règlement de la créance ;
  • l’obligation imposée au fournisseur par le distributeur de verser un supplément pour pouvoir bénéficier de plus de visibilité dans les rayons du magasin ou afin de réduire les délais de paiement. Ces pratiques sont couramment appelées « marges-arrières », ce terme générique pouvant renvoyer aussi bien aux pratiques légales qu’aux pratiques illégales.

Ces pratiques, quand elles visent à contourner la loi, sont passibles de lourdes sanctions récemment renforcées par la loi Sapin II.

III- Les sanctions

La loi Sapin II a renforcé les sanctions du non-respect des délais de paiement entre partenaires commerciaux. Les professionnels qui ne respectent pas les délais de paiement maxima sont passibles d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 75 000 € pour une personne physique et deux millions d’euros pour une personne morale. Cette amende a été portée pour les personnes morales de 375 000 € à 2 millions par la loi Sapin II. Cette amende peut être doublée si la personne condamnée réitère un manquement dans les deux années suivant une décision de condamnation devenue définitive.

En outre, la décision de condamnation relative au non-respect des délais de paiement est systématiquement publiée, aux frais de la personne condamnée. De même, le cumul des sanctions administratives n’est plus plafonné (article L470-2 VII : « Lorsque, à l’occasion d’une même procédure ou de procédures séparées, plusieurs sanctions administratives ont été prononcées à l’encontre d’un même auteur pour des manquements en concours, ces sanctions s’exécutent cumulativement »).

Par ailleurs, une entreprise engage sa responsabilité civile délictuelle si elle soumet ses partenaires à des conditions de règlement qui ne respectent pas le plafond fixé de quarante-cinq jours fin de mois ou soixante jours à compter de la date d’émission de la facture ou qui sont manifestement abusives, compte tenu des bonnes pratiques et usages commerciaux, et s’écartent sans raison objective du délai du trentième jour suivant la date de réception des marchandises ou d’exécution de la prestation demandée (C. com., art. L. 442-6, I, 7°). Doit notamment être considéré comme abusif le fait de demander à un cocontractant de différer la date d’émission d’une facture, s’il n’existe pas de raison objective.

Aussi, la loi Sapin II ajoute à la liste des pratiques commerciales abusives le fait de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des pénalités pour retard de livraison en cas de force majeure. La force majeure doit faire l’objet d’une définition dans les contrats conclus entre les partenaires et des exemples de circonstances peuvent aider à appréhender la volonté des parties.

Malgré l’intensification des contrôles et des sanctions contre les mauvais payeurs, les retards de paiement entre entreprises sont encore importants pour les PME : 14,9 jours en 2017 contre 11,8 jours en 2016 s’ajoutant aux délais prévus par la loi (baromètre ARC-IFOP publié par Le Figaro du 3 octobre 2017), étant précisé que 11 % de ces retards dépassent 30 jours.

Le médiateur du crédit a encore attiré l’attention sur le fait qu’un jour de délai gagné représente 1 milliard d’euros de trésorerie pour les entreprises, d’où la nécessité de ne pas relâcher l’effort. Rappelons que les retards de paiement sont l’une des premières causes de défaillances des TPE et PME. Les entreprises doivent donc avoir une vraie stratégie tant préventive dans leurs conditions générales de vente qu’en termes de recouvrement de leur portefeuille clients.