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COVID19 et baisse d’activité : l’activité partielle peut vous concerner

Date de publication : 24.03.20

COVID-19 . droit social

COVID 19 et activité partielle

Eric Goirand Sandrine Guidicelli

Usuellement, le dispositif de l’activité partielle permet à une entreprise rencontrant des difficultés économiques entraînant une baisse de son activité de réduire corrélativement le temps de travail de ses salariés.

Il s’agit d’une mesure qui permet de préserver l’emploi des salariés (absence de licenciement économique) tout en diminuant pour l’entreprise, pendant une période déterminée, le coût du personnel qui est, pour partie ou en totalité, inoccupé et qui se voit malgré tout garantir un niveau minimal de rémunération pour les heures non travaillées assuré conjointement par l’Etat, l’UNEDIC et l’employeur.

Dès son communiqué de presse du 15 mars 2020, Madame La Ministre du Travail a annoncé que toutes les entreprises dont l’activité se trouve à l’arrêt en raison d’une obligation de fermeture (restaurants, cafés, magasins, etc…) mais aussi celles dont l’activité est simplement réduite du fait du coronavirus sont éligibles au dispositif d’activité partielle. Désormais, l’article 11 b) du Titre II de la loi d’urgence sanitaire votée par l’Assemblée Nationale le 22 mars 2020 autorise le gouvernement à prendre par ordonnances, dans un délai de 3 mois à compter de la publication de cette loi et si nécessaire, avec effet rétroactif au 12 mars 2020, toute mesure visant à faciliter et à renforcer le recours à l’activité partielle pour toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, notamment :

  • En adaptant de manière temporaire le régime social applicable aux indemnités versées dans ce cadre,
  • En l’étendant à de nouvelles catégories de bénéficiaires,
  • En réduisant, pour les salariés, le reste à charge pour l’employeur, et pour les indépendants, la perte de revenus,
  • En adaptant ses modalités de mise en œuvre,
  • En favorisant une meilleure articulation avec la formation professionnelle et une meilleure prise en compte des salariés à temps partiel.

Les motifs autorisés de recours à l’activité partielle

Ces motifs sont énoncés par l’article R.5221-1 du Code du Travail : « L’employeur peut placer ses salariés en position d’activité partielle lorsque l’entreprise est contrainte de réduire ou de suspendre temporairement son activité pour l’un des motifs suivants :

  • 1° La conjoncture économique ;
  • 2° Des difficultés d’approvisionnement en matières premières ou en énergie ;
  • 3° Un sinistre ou des intempéries de caractère exceptionnel ;
  • 4° La transformation, restructuration ou modernisation de l’entreprise ;
  • 5° Toute autre circonstance de caractère exceptionnel. «

L’épidémie de Covid-19 à l’origine d’un ralentissement économique important se range dans cette cinquième catégorie.

Les formes de l’activité partielle

L’activité partielle peut prendre l’une des formes suivantes :

  • Fermeture temporaire de tout ou partie de l’établissement (les salariés concernés sont en inactivité totale) ;
  • Réduction de l’horaire de travail pratiqué dans tout ou partie de l’établissement en deçà de la durée légale (le temps de travail des salariés est réduit).

Dans cette hypothèse, les salariés peuvent être placés en activité partielle alternativement et individuellement, pour permettre une organisation de l’activité par roulement. Les employeurs peuvent également choisir de faire bénéficier les salariés concernés d’actions de formation pendant la période d’activité partielle (article L.5122-1 CT). Dans ce cas, l’indemnisation des salariés est majorée (maintien de 100% du salaire net).

Les salariés éligibles au dispositif

Tout salarié titulaire d’un contrat de travail, qu’il soit à temps plein ou à temps partiel, est susceptible d’être placé en situation d’activité partielle. Les apprentis et les salariés en contrat de professionnalisation peuvent être concernés, sous réserve de règles d’indemnisations particulières (plafonnement du taux horaire de l’allocation d’activité partielle à la rémunération horaire brute du salarié). Par exception, les salariés suivants ne peuvent en bénéficier :

  • Lorsque l’activité partielle prend la forme d’une réduction horaire, les salariés rémunérés selon une convention de forfait en heures ou en jours sur l’année; ils sont en revanche éligibles lorsque l’activité partielle prend la forme d’une fermeture d’au moins une demi-journée
  • Les salariés titulaires d’un contrat de travail français mais travaillant sur des sites localisés dans des pays tiers
  • Les VRP multicartes
  • Les salariés pour lesquels une procédure de licenciement économique ou de rupture conventionnelle a été engagée
  • Les travailleurs saisonniers (sauf si leur état de chômage est exceptionnel à l’époque de l’année à laquelle il se produit)
  • Les salariés en CDD pour accroissement temporaire d’activité

NB : Les mandataires sociaux ne peuvent bénéficier du dispositif d’activité partielle, à moins qu’ils ne soient titulaires de contrats de travail correspondant à un emploi distinct de leur mandat. De même, les employés de maisons sont habituellement inéligibles à ce dispositif. Toutefois, la Ministre du travail a annoncé le 16 mars 2020 la mise en œuvre d’un système similaire pour les personnes employées à domicile (assistantes maternelles, femmes de ménages, etc…) qui ne peuvent travailler à cause du coronavirus : elles recevront 80% de leur salaire (ordonnance attendue sur ce point en application de la loi d’urgence du 22 mars 2020). L’employeur devra en faire l’avance puis sera remboursé à travers le dispositif CESU (chèque emploi service universel).

La procédure de recours à l’activité partielle

La procédure est entièrement dématérialisée et s’effectue sur un site internet dédié. Pour accéder au site https://activitepartielle.emploi.gouv.fr NB : Pour les entreprises dotées d’un Comité Social et Economique, celui-ci doit être consulté préalablement au dépôt de la demande [obligation de consultation du CSE sur la marche générale de l’entreprise prévue à l’article L.2312-8 du Code du Travail].

ETAPE 1 : La création de votre compte

Si vous ne disposez pas déjà d’un compte sur le site, vous devrez le créer : un identifiant et un mot de passe vous seront adressés sous 48 heures.

ETAPE 2 : La demande préalable d’autorisation d’activité partielle

Elle doit préciser :

1-Le motif de recours

La possibilité de recourir à l’activité partielle est subordonnée au fait que l’entreprise soit dans l’obligation de réduire ou de suspendre son activité : c’est ce seul critère qui permet de déterminer si le recours à l’activité partielle est ou non légitime. Le « Questions/Réponses » du Ministère du Travail donne une liste d’hypothèses qu’il considère comme justifiant le recours à l’activité partielle. Il s’agit des cas suivants :

  • La fermeture administrative de l’entreprise ou de l’établissement (hôtels, cafés, restaurants, commerces etc…) ;
  • L’interdiction de manifestations publiques à la suite d’une décision administrative (secteur de l’évènementiel, du spectacle, etc…) ;
  • L’absence massive de salariés indispensables à l’activité de l’entreprise Þ si des salariés travaillant sur des postes nécessaires à l’activité sont contaminés par le virus ou placés en quarantaine et si leur absence s’oppose à la continuité de l’activité, les autres salariés peuvent être placés en activité partielle
  • La suspension des transports en commun par décision administrative : tout salarié ne pouvant se rendre sur son lieu de travail en raison de l’absence de transports en commun peut être placé en activité partielle
  • Une baisse de l’activité liée à l’épidémie (difficultés d’approvisionnement, annulation de commandes etc…).

Si l’employeur se trouve effectivement dans l’obligation de réduire ou de suspendre son activité pour l’un de ces motifs, les dispositions applicables n’obligent pas l’employeur à recourir en premier lieu au télétravail ou à justifier qu’il ne peut y avoir recours pour pouvoir mettre en œuvre l’activité partielle. NB : lors de la saisie de la demande, il demeure à ce jour conseillé d’être relativement précis sur le ou les motif de celle-ci, ce qui suppose de ne pas se contenter de viser l’épidémie, la loi d’urgence sanitaire ou les annonces du Ministère du Travail.

2- La période prévisible de sous-activité

Celle-ci peut être liée à la période de fermeture administrative et/ou de confinement mais il n’est pas exclu qu’elle puisse excéder celles-ci en raison de l’incertitude sur la durée effective de ces mesures et de leurs incidences en terme de réduction prévisible de l’activité de l’entreprise. En vertu de l’article R.5122-9 du Code du Travail, l’autorisation peut être accordée pour une durée maximale de 6 mois.

3- Le nombre de salariés et d’heures de travail concernés

Le cas échéant, la demande d’autorisation devra être accompagnée de l’avis préalable du CSE (celui-ci devra également être informé de la décision prise par la DIRECCTE). Toutefois, dans le contexte sanitaire actuel et selon un communiqué du Ministère du Travail du 20 mars 2020, la consultation du CSE pourrait intervenir après le dépôt de la demande d’autorisation préalable et l’absence d’avis préalable ne pourrait être considéré comme un facteur bloquant par la DIRECCTE. Habituellement, la décision administrative d’autorisation ou de refus est notifiée par voie dématérialisée à l’employeur dans un délai de 15 jours à compter de la date de réception de la demande d’autorisation, l’absence de réponse valant acceptation implicite (article R.5122-4 du Code du Travail).

Toutefois, le Gouvernement avait annoncé le 9 mars 2020 que les décisions administratives seraient désormais notifiées dans les 48 heures, ce qui a été confirmé dans le communiqué du Ministère du Travail du 20 mars 2020. Pour faire face aux problèmes techniques générés par un afflux massif de demandes, le Ministère du Travail a indiqué que les entreprises auraient jusqu’à 30 jours pour faire la demande d’autorisation d’activité partielle avec effet rétroactif (ces modalités devraient être confirmées par les ordonnances prises en application de la loi d’urgence du 22 mars 2020).

ETAPE 3 : La demande d’indemnisation

Une fois l’autorisation obtenue, l’entreprise peut adresser une demande d’indemnisation, toujours par voie dématérialisée, à l’Agence de Services et de Paiement (ASP). Cette demande comporte :

  • Des informations sur l’identité de l’employeur ;
  • La liste nominative des salariés concernés et leur numéro d’identité ;
  • Des états nominatifs précisant le nombre d’heures chômées par salarié.

Pour les entreprises qui appliquent un accord d’aménagement du temps de travail sur une période supérieure à la semaine et inférieure à l’année, par principe, le remboursement n’aura lieu qu’en fin de période (si l’employeur souhaite un remboursement mensuel, il doit en faire expressément la demande).

Les employeurs doivent par ailleurs fournir l’ensemble des données personnelles des salariés permettant d’effectuer la gestion, le contrôle des demandes d’activité partielle, le calcul et le paiement des allocations. Si l’activité partielle se matérialise par un aménagement des horaires de travail des salariés, l’employeur doit veiller à respecter ses obligations en matière d’information et de contrôle de ces horaires, notamment transmettre à l’inspection du travail les horaires collectifs modifiés.

L’indemnisation pendant la période d’activité partielle

Les salariés reçoivent une indemnité horaire versée par l’employeur, correspondant à une part de leur rémunération antérieure, et l’employeur reçoit une allocation financée conjointement par l’Etat et l’UNEDIC.

Définition des heures ouvrant droit à indemnisation

Les heures chômées dans le cadre de ce dispositif ouvrent droit au bénéfice d’une allocation dans la limite d’un contingent de 1.000 heures par an et par salarié. Cette limite peut être dépassée dans des circonstances exceptionnelles [NB : un contingent plus faible est fixé pour les demandes motivées par une modernisation des installations et des bâtiments de l’entreprise].

Les heures justifiant le versement d’une indemnisation sont celles comprises entre la durée légale du travail ou, si elle est inférieure, la durée collective ou contractuelle applicable et le nombre d’heures réellement travaillées sur la période considérée. Attention : les heures structurelles dépassant la durée légale de travail (ou, si elle est inférieure, la durée collective ou contractuelle de travail) sont bien chômées mais elles ne donnent pas lieu à indemnisation. Pour les salariés en convention de forfait en heures ou en jours sur l’année, seuls les jours (ou demi-journées) de fermeture de l’établissement sont pris en compte, et chacun d’entre eux compte pour l’équivalent de la durée légale (1 jour = 7 heures).

L’indemnisation reçue par l’entreprise

Le taux horaire de l’allocation d’activité partielle est de :

  • 7,74 euros pour les entreprises de 1 à 250 salariés ;
  • 7,23 euros pour les entreprises de plus de 250 salariés.

L’allocation est versée mensuellement par l’ASP à l’employeur. A peine de prescription, les demandes de remboursement doivent être effectuées dans le délai d’un an à compter du terme de la période de recours à l’activité partielle, à peine de prescription.

Un simulateur en ligne sur le site du Ministère du Travail permet aux entreprises de connaître immédiatement les montants estimatifs d’indemnisation qu’elles peuvent escompter, et donc le montant estimatif de leur reste à charge. Le Gouvernement a annoncé le 9 mars 2020 que pour les entreprises de moins de 250 salariés, le montant de l’allocation horaire serait augmenté à hauteur du SMIC, soit 8,04 euros. Le 13 mars 2020, il a été a précisé que l’allocation reçue par l’employeur de l’Etat devrait couvrir 100% de l’indemnité versée par l’employeur – pour les salariés rémunérés sur une base < ou = à 4,5 SMIC (attente des ordonnances en application de la loi d’urgence sanitaire).

L’indemnisation reçue par le salarié

L’indemnité horaire au titre de l’activité partielle

Le salarié reçoit de l’employeur une indemnité horaire correspondant à 70% de sa rémunération brute, ramenée à un montant horaire sur la base de la durée légale du travail ou, si elle est inférieure, de la durée collective ou contractuelle applicable.

Cela correspond, selon le Ministère du Travail, à environ 84% du salaire net. Pendant les périodes de formation de salariés, cette indemnité est portée à 100% de la rémunération nette antérieure du salarié. Cette indemnité est versée aux salariés à la date normale de paie, accompagnée d’un document précisant le détail du calcul de l’allocation.

La rémunération mensuelle minimale (RMM)

Tout salarié travaillant au moins 35 heures par semaine doit percevoir, s’il n’est pas apprenti, une rémunération mensuelle minimale (ce dispositif ne concerne donc pas les salariés à temps partiel).

Cette RMM correspond au SMIC mensuel net, après déduction des cotisations obligatoires. Lorsque, par suite d’une réduction de l’horaire de travail en-dessous de la durée légale hebdomadaire, un salarié travaillant habituellement à temps plein perçoit un montant cumulé, au titre de son activité et de l’allocation d’activité partielle, inférieur à cette RMM, son employeur doit lui verser une allocation complémentaire correspondant à ce différentiel.

Statut des salariés pendant la période d’activité partielle

Le recours à l’activité partielle ne constitue pas une modification du contrat de travail des salariés, qui ne peuvent donc s’y opposer. Le contrat de travail des salariés placés en activité partielle est suspendu pendant les périodes où ils ne sont pas en activité.

Durant ces périodes, le salarié peut cumuler son emploi avec une autre activité, sous réserve du respect de ses obligations de loyauté, de non-concurrence, d’exclusivité et des durées maximales de travail applicables. Pour limiter l’incidence de la période d’activité partielle sur les autres droits des salariés, les heures ainsi chômées sont prises en compte pour l’acquisition des congés payés et la répartition de la participation et de l’intéressement.

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