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La rupture conventionnelle individuelle : un mode de rupture de contrat de travail à regarder de près

Date de publication : 19.09.23

droit social . vétérinaires

la rupture conventionnelle, avocat en droit du travail à Paris

Pierre-Jacques Castanet

Tout salarié et tout employeur a déjà entendu parler de la « rupture conventionnelle ». Ce n’est ni un licenciement ni une démission, mais un mode de rupture spécifique fondé sur un accord entre le salarié et son employeur.

[Cet article est de portée générale sur la rupture conventionnelle mais adaptée à la branche professionnelle des vétérinaires. Il est écrit en partenariat avec SMARTEMIS, réseau de cliniques vétérinaires.]

Il présente 3 avantages incontestables :

  • Une sortie rapide et « consensuelle » des effectifs sans avoir à évoquer un « motif réelle et sérieux » et donc en principe sans risque prud’homal,
  • Le versement au salarié de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle (égale en fait à l’indemnité de licenciement),
  • Le bénéfice pour ce dernier de l’assurance chômage.

Le succès de ce mode de rupture n’est plus à démontrer. Entre 2010 et 2021, le nombre de ruptures conventionnelles de contrats de travail a presque doublé en France. En effet, il est passé de 246.000 en 2010 à 453.000 en 2021.

Mais un principe fondamental doit être gardé à l’esprit : Ni le salarié, ni l’employeur ne peut imposer à l’autre de conclure une rupture conventionnelle. Il n’y a pas de « droit à la rupture conventionnelle ». Il faut donc se mettre d’accord.
Mais avec qui, comment et à quel cout ?

1 – La rupture conventionnelle : avec qui ?

Tous les salariés en CDI ont accès à la rupture conventionnelle (même les salariés représentants du personnel mais sous réserve de solliciter l’autorisation de l’inspecteur du travail).

Ainsi, les membres du personnel salarié ou praticiens salariés en CDI au sein de cabinets, cliniques et centres hospitaliers vétérinaires peuvent conclure une rupture conventionnelle.
Symétriquement, ces employeurs ont également la faculté de prendre l’initiative d’envisager une rupture conventionnelle.

L’existence, au moment de sa conclusion, d’un différend entre les parties au contrat de travail n’affecte pas par elle-même la validité de la convention de rupture. La rupture conventionnelle est d’ailleurs souvent opportune dans ce cas pour éviter une aggravation du litige et une crispation des relations au sein de l’entreprise.
En pratique, la rupture conventionnelle est également assez fréquente quand le contrat de travail est suspendu (notamment en raison d’un arrêt maladie).
Bref, la rupture conventionnelle est généralement une opportunité que salarié et employeur font le choix commun de saisir.

En revanche, il est important de rappeler les situations où la rupture conventionnelle est prohibée :

  • Quand, dans les faits, elle est imposée par une partie qui (par crainte ?) s’y soumet et voit donc son consentement forcé
  • Quand le salarié est en période d’essai ou en CDD
  • Quand elle a en fait pour objet de détourner l’application des règles d’ordre public régissant toute la réglementation des licenciements économiques.

2. La rupture conventionnelle : Comment ?

  • L’entretien obligatoire

La rupture conventionnelle est subordonnée à un ou plusieurs entretiens au cours desquels le salarié et l’employeur peuvent se faire assister afin de définir les modalités de rupture.

Attention, l’absence totale d’entretien est une cause de nullité de la convention de rupture.

Pour autant, la loi n’exige aucune formalité particulière pour la convocation ou la tenue du (ou des) entretien(s). Par exemple, il n’y a pas de délai précis entre l’entretien et la signature de la convention, tant que ce délai est raisonnable. Pour éviter toute difficulté, il est recommandé d’appliquer le délai de 5 jours ouvrables applicable en cas de licenciement.

  • La signature

Depuis le 1er avril 2022, un formulaire saisi directement en ligne au moyen du téléservice TéléRC, fait office de convention (source : www.telerc.travail.gouv.fr).
Une fois rempli, il doit être téléchargé afin d’être daté et signé en 3 exemplaires par l’employeur et le salarié :

  • un pour l’employeur
  • un pour le salarié (point important : il est impératif de justifier de la remise de cet exemplaire au salarié, par exemple par un « reçu en main propre »)
  • un destiné à l’Administration pour homologation.

Ce formulaire vaut convention entre les parties et est donc suffisant ; il n’est pas nécessaire de prévoir d’autres documents.
Néanmoins, s’il apparait nécessaire d’apporter différentes précisions, les parties peuvent signer une convention de rupture en plus du formulaire administratif, qui pourra porter par exemple sur :

  • Le sort d’une éventuelle clause de non-concurrence
  • La situation du salarié pendant toute la procédure (travail habituel ? dispense de travail avec rémunération ? prise de congés payés ? congé sans solde ?)
  • Les modalités précises quant au travail à faire avant la fin du contrat de travail (ex : transfert des informations/dossiers aux équipes concernées, …)
  • Les questions autour de la restitution du matériel (équipement NTIC, voiture, etc.).

 

  • Le droit de rétractation

À compter de la date de signature de la convention par les deux parties, chacune d’entre elles dispose d’un délai de 15 jours calendaires (tous les jours de la semaine comptent) pour exercer son droit de rétractation.

Ce délai commence à courir le lendemain de la date de signature de la convention et se termine le 15e jour à minuit. Attention, si le délai de rétractation expire un samedi, un dimanche ou un jour férié, il est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant.

Le droit de rétractation est exercé par lettre adressée par tout moyen attestant de sa date de réception par l’autre partie et n’a pas besoin d’être motivé (on retrouve ici le principe du droit à la rétractation en matière de consommation pour le candidat à un prêt/crédit).
Ce qui importe, c’est la date d’envoi de la lettre de rétractation et non sa date de réception.

  • L’homologation

À l’issue du délai de rétractation, la partie la plus diligente – l’employeur ou le salarié – doit adresser la demande d’homologation à l’Administration (DREETS) du lieu où est établi l’employeur via le service « TéléRC ».

Pour instruire le dossier, l’Administration dispose de 15 jours ouvrables. Ce délai inclut tous les jours de la semaine, sauf le repos hebdomadaire (dimanche) et les jours fériés légaux et habituellement chômés. Le délai d’instruction démarre le lendemain du jour ouvrable de réception de la demande.

L’Administration s’assure du respect de la liberté de consentement des parties et des conditions prévues par le Code du travail (respect des règles relatives à l’assistance des parties, du droit de rétractation, du montant minimal de l’indemnité spécifique de rupture, etc) et du fait que cette rupture ne s’inscrit pas dans une démarche visant à contourner des procédures et des garanties légales (ex : licenciement économique).

L’administration notifie à chaque partie l’acceptation ou le rejet de la demande d’homologation dans le délai d’instruction imparti. À défaut de décision dans ce délai, l’homologation est réputée acquise.

A retenir : Entre le projet de conclure une rupture conventionnelle et la fin du contrat de travail, il faut en pratique compter un délai d’environ 1 mois et demi.

  • Les recours

Après l’homologation de la convention, l’une ou l’autre des parties a la possibilité de contester la validité de la convention, les conditions de son exécution, l’homologation ou le refus d’homologation, l’autorisation ou le refus d’autorisation dans un délai de 12 mois à compter de la date d’homologation de la convention de rupture.

3. La rupture conventionnelle : quel coût ?

  • L’indemnité spécifique de rupture conventionnelle

En cas de rupture conventionnelle, le salarié a droit à une indemnité spécifique dont le montant est fixé par la convention de rupture.

Le montant de cette indemnité spécifique de rupture conventionnelle est au minimum égal à l’indemnité légale de licenciement (1/4 de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années jusqu’à 10 ans puis un 1/3 pour les années à partir de 10 ans).

A noter : l’indemnité de licenciement (1/5 de mois de salaire par année d’ancienneté) prévue par les CCN du personnel salarié des vétérinaires et des praticiens vétérinaires salariés ne s’applique pas à la RC car inférieure à l’indemnité légale de licenciement. Toutefois, ce montant constitue un plancher, les parties peuvent tout à fait prévoir un montant supérieur.

  • Le régime social de l’indemnité de rupture conventionnelle

    • Paiement par l’employeur d’une « contribution patronale » de 30%
    • Pas de cotisations sociales (si l’indemnité reste inférieure à 87.984 €)
    • Pas de CSG/CRDS sur le montant correspondant à l’indemnité légale de licenciement.
  • Le régime fiscal de l’indemnité de rupture conventionnelle

    • Soumise à l’impôt sur le revenu si le salarié a droit à une pension de retraite de base (62 ans pour les générations 1955 et suivantes)
    • Non soumise à impôt sur le revenu si le salarié n’a pas droit à une pension de retraite de base (si indemnité inférieure à 2 fois la rémunération annuelle du salarié).

Conclusion

La rupture conventionnelle a encore de beaux jours devant elle et répond à un vrai besoin aujourd’hui au sein des entreprises.
Il faut cependant l’utiliser à bon escient et la considérer comme un « outil » spécifique applicable à certaines situations mais pas à toutes…
Être conseillé en amont sur l’opportunité ou non d’une rupture conventionnelle est donc toujours prudent.

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