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Le droit de vivre dans un environnement sain, une nouvelle liberté fondamentale

Date de publication : 10.10.22

droit de l'environnement

environnement - liberté fondamentale

Thibault Stephan

Juillet 2022, l’Assemblée Générale des Nations-Unies déclare que l’accès à un environnement propre, sain et durable est un droit humain universel. Le 20 septembre 2022, le Conseil d’Etat reconnaît que le droit de vivre dans un environnement équilibré est une liberté fondamentale.
Il semble que les lignes juridiques bougent (enfin) en faveur de l’environnement.

Que signifie « vivre dans un environnement propre, sain et durable » ?

Selon l’Assemblée générale des Nations unies, tous les habitants de la planète ont droit de vivre dans un environnement sain.
Un environnement sûr, propre, sain et durable est nécessaire à la pleine jouissance des droits de l’Homme, notamment le droit à la vie, le droit au meilleur état de santé physique et mentale possible, le droit à un niveau de vie suffisant, le droit à une nourriture suffisante, à l’eau potable et à l’assainissement, au logement, le droit de participer à la vie culturelle, le droit au développement et à un environnement sain, qui soit consacré par des accords régionaux et par la plupart des Constitutions nationales.

Bon à savoir

Le dernier droit humain à avoir été reconnu par l’ONU était le droit à l’eau potable et à l’assainissement.

Mais à l’heure où de nombreuses études pointent du doigt la qualité des eaux potables en France et en Europe, on peut s’interroger sur l’efficacité de la reconnaissance d’une liberté fondamentale.

Concernant la décision du Conseil d’Etat, celle-ci est intervenue dans le cadre d’une demande de suspension de travaux de recalibrage d’une route départementale dans le Var par des riverains qui estimaient que les travaux portaient atteinte de manière irréversible à des espèces protégées et entraînaient la destruction de leur habitat.

Le Conseil d’Etat n’a pas suivi les arguments des requérants mais dans son texte, la haute juridiction indique expressément que :

le droit de chacun de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, tel que proclamé par l’article premier de la Charte de l’environnement, présente le caractère d’une liberté fondamentale au sens de l’article L. 521-2 du code de justice administrative”.

Qu’est ce qu’une liberté fondamentale ?

Il n ‘existe pas de définition de la notion de liberté fondamentale. Le Conseil d’Etat est le seul organe juridique qui dispose de la légitimité pour faire émerger une nouvelle liberté fondamentale. Il faut toutefois que les juges des juridictions administratives l’aient utilisé dans leur décision.
Cette liberté fondamentale est parfois retoquée, parfois maintenue dans l’ombre et parfois érigée par les juges du Conseil d’Etat, comme c’est le cas en l’espèce.

Nous pouvons citer comme libertés fondamentales validées par le Conseil d’Etat : la liberté d’aller et venir, la liberté d’opinion, de culte, de conscience, de création artistique …   

Quelle est la conséquence de l’émergence de cette nouvelle liberté fondamentale ?

La reconnaissance par l’ONU et le Conseil d’Etat du droit de vivre dans un environnement sain est tout d’abord l’affirmation de l’importance des questions environnementales.

Du côté de l’ONU, les États européens espèrent ainsi pouvoir agir collectivement pour élaborer et mettre en œuvre des politiques communes nécessaires à la constitution ou à la préservation d’un environnement sain et durable, sans exclusion du monde naturel. 

Du côté du Conseil d’Etat, l’émergence d’une liberté fondamentale s’associe à l’utilisation du référé-liberté. En effet, la loi du 30 juin 2000 a institué le référé-liberté qui permet de lever une restriction administrative de liberté fondamentale. Ainsi, si l’administration interdit à un citoyen de jouir pleinement de sa liberté fondamentale, celui-ci pourra recourir au référé-liberté pour bénéficier de l’intervention immédiate d’un juge des référés.

Désormais, il sera donc possible d’invoquer le “droit de chacun de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé” à l’occasion d’une procédure en référé-liberté.

Si certains commentateurs et membres d’associations de lutte pour le climat se réjouissent de la décision, celle-ci n’est finalement qu’un rattrapage du Conseil d’Etat.
En effet, les jurisprudences sont nombreuses dans le domaine et, depuis longtemps, la mission d’information de l’Assemblée nationale sur le référé spécial environnemental de mars 2021 préconisait déjà la reconnaissance du droit de vivre dans un environnement sain, tout comme les conférences des Nations Unies qui consacrent le principe depuis des décennies à l’instar de la Déclaration de Stockholm en 1972. Le Conseil d’Etat se met au goût du jour et il est bien trop tôt pour affirmer que la position de cette haute juridiction sera révolutionnaire ou même significative.
D’autant plus que les conditions de mise en place d’un référé-liberté sont très strictes.
Seul l’avenir nous dira si la reconnaissance par le Conseil d’Etat de cette liberté fondamentale sera véritablement un outil efficace de protection de l’environnement

L’homme a un droit fondamental à la liberté, à l’égalité et à des conditions de vie satisfaisantes, dans un environnement dont la qualité lui permettra de vivre dans la dignité et le bien-être. Il a le devoir solennel de protéger et d’améliorer l’environnement pour les générations présentes et futures.

Déclaration de Stockholm, article 1

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