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Mitoyenneté : Ce qu’il faut absolument savoir pour réussir sa transaction immobilière

Date de publication : 27.01.22

droit de l'urbanisme et aménagement du territoire . droit de la construction . droit immobilier

Ce qu'il faut savoir sur la mitoyenneté

Patrick Lopasso Gaëlle Rolland de Rengervé

La mitoyenneté est une notion juridique qui permet à deux ou plusieurs propriétaires voisins d’utiliser un même mur ou une même clôture.

Quels sont les avantages et les inconvénients de la mitoyenneté ?

Elle a pour objectif de limiter les dépenses des propriétaires en termes de construction ou d’entretien et de réaliser des économies de terrain, l’ouvrage étant implanté à cheval sur la limite séparative.

Un mur en mitoyenneté permet matériellement, physiquement d’être implanté sur la limite de propriété. Elle présente les avantages attachés aux objectifs qu’elle tend atteindre.

Cependant elle présente aussi l’inconvénient de placer les propriétaires mitoyens dans un régime d’indivision, de copropriété spéciale.

Même si elle est le plus souvent source d’avantages, elle peut être à l’origine de litiges de voisinage.

Il peut être important, tant pour l’acquéreur que pour le vendeur, de vérifier s’il existe sur la parcelle, objet de la vente, un ouvrage en mitoyenneté.

Quelles sont les droits et devoirs des propriétaires de biens mitoyens ?

Si chacun des copropriétaires, en principe, a le droit de faire tout ce qu’il veut du mur mitoyen, il doit veiller, dans l’exercice de ce droit, à ne causer aucune gêne ou préjudice à son voisin.

Il convient toutefois d’émettre des réserves en ce qui concerne les appuis et enfoncements dans le mur, les articles 657 et 662 du Code Civil régissent ces cas de figure. L’article 658 du même Code reconnaît à chaque copropriétaire le droit de faire exhausser le mur mitoyen, le soubassement du mur privatif restant mitoyen.

En cas d’exhaussement, la partie basse du mur privatif reste donc mitoyenne tandis que la partie haute nouvelle est privative à moins que le voisin n’acquière la mitoyenneté de celle-ci conformément aux articles 660 et suivants du Code civil.

En principe, les copropriétaires mitoyens doivent entretenir la clôture à frais communs. Les articles 655, 656 et 666 du Code civil sont relatifs à cette question de l’entretien. La prise en charge se fait à parts égales sauf si les dommages sont causés par un seul des propriétaires.

Pourquoi et comment abandonner la mitoyenneté?

Pour échapper aux frais, il est possible d’abandonner la mitoyenneté pour l’un des propriétaires. Cela permet de céder à son voisin le mur, ou la partie du mur supportant les réparations.

Le propriétaire du mur mitoyen ne peut toutefois exercer cette faculté d’abandon lorsque l’ouvrage en mitoyenneté continue à lui procurer quelques avantages ou si les travaux résultent de son propre fait.

L’abandon peut être tacite et résulter du simple fait de refuser de participer à la reconstruction.

Pour être opposable aux tiers, l’abandon de mitoyenneté doit être publié et emporte abandon de la moitié du terrain d’emprise du mur.

Pourquoi et comment réclamer la mitoyenneté ?

La mitoyenneté peut également être acquise. En effet, si un propriétaire a édifié un mur en limite du terrain voisin, le propriétaire dudit terrain voisin peut solliciter l’acquisition de la mitoyenneté du mur en remboursant au propriétaire qui l’a édifié, le coût de la construction, mais également de la valeur de la partie de terrain occupée par le mur. Ceci est prévu à l’article 661 du Code civil.

Le droit d’acquérir la mitoyenneté dans les conditions précitées est imprescriptible. Un mur construit il y a plus de trente ans pourra encore faire l’objet d’une revendication de mitoyenneté par le propriétaire voisin. Ce droit d’acquérir la mitoyenneté est absolu et ne peut être refusé par le propriétaire initial du mur construit en limite de propriété.

A l’inverse, un propriétaire ne peut forcer son voisin à acquérir un mur qu’il aurait édifié seul et à ses frais. En conséquence, si le mur construit par un voisin se situe à cheval sur la propriété voisine, le propriétaire de cette parcelle peut solliciter sa démolition pure et simple.

Il s’agit en effet d’un empiètement, lequel par sa nature même, porte atteinte gravement au droit de propriété encore qualifié de « droit absolu », bien que soufrant de nombreuses exceptions légales et réglementaires, notamment au profit de l’intérêt général. Le voisin dont le fonds a subi un empiètement pourra alors solliciter la démolition totale ou partielle du mur ayant été indument construit sur sa propriété.

Comment faire reconnaître la mitoyenneté d’un mur ? Quels sont les signes de mitoyenneté ou de non mitoyenneté ?

La mitoyenneté se prouve par quatre moyens d’inégale importance. Examinons-les en allant du plus probant au moins probant :

  • Les titres : c’est-à-dire les actes ou les conventions de type acte de vente ou de partage, testament, baux, cahier des charges dans un lotissement , etc., peuvent aménager, décrire et préciser les modalités d’utilisation d’un ouvrage en mitoyenneté.
  • Un propriétaire qui use depuis trente ans d’un mur comme s’il était mitoyen, doit être considéré comme tel et la prescription trentenaire peut être assimilée à un titre.
  • Les marques de mitoyenneté et de non-mitoyenneté sont déterminées à l’article 654 du Code Civil.

Le Code vise des situations de fait. Ainsi si l’eau se déverse sur le sommet du mur avant de tomber entièrement sur un seul terrain, le mur n’est pas mitoyen.

Ces signes matériels de mitoyenneté ou de non mitoyenneté peuvent être interprétés par des géomètres ou par des experts judiciaires, notamment en raison de la forme que prennent les murs sur leur sommet par exemple (pente inclinée vers tel fonds etc.). Il convient donc de tenir compte des travaux effectués sur le faitage du mur.

  • La présomption de droit de l’existence d’une mitoyenneté signifie qu’est présumé mitoyen le mur dont l’existence est établie par des documents qui ne constituent pas des titres à proprement parler.
    Il en est ainsi d’accords informels d’implantation à cheval sur la ligne divisoire ou, au contraire la preuve d’une construction aux frais d’un seul des propriétaires ce qui établit là au contraire l’existence d’une non-mitoyenneté (sauf revendication par le propriétaire voisin).
  • Les présomptions légales ne sont utilisées qu’à défaut de titres, marques ou présomptions spéciales.

L’article 653 du Code Civil, applicable aux murs dispose qu’un mur servant de séparation entre bâtiments jusqu’à l’héberge doit-être présumé mitoyen. La présomption de mitoyenneté ne s’applique que dans l’hypothèse où les deux bâtiments ont été réalisés simultanément.

L’article 653 précité, bien évidemment, ne s’applique pas à un mur qui sépare une maison d’un terrain. En pareil cas, le mur litigieux est présumé appartenir aux propriétaires du bâtiment.

La présomption ne s’applique pas aux murs de soutènement. En la matière il est classique de considérer que les limites se situent au pied dudit mur. A défaut de titre précis, si un géomètre-expert est mandaté il pourra qualifier un ouvrage de mitoyen ou pas.

En tout état de cause, il est nécessaire d’informer l’acquéreur de l’existence d’un mur revêtant cette qualité de mitoyenneté surtout si elle est source de difficultés avec le voisin.

Notre prochaine chronique abordera les risques encourus par l’acquéreur au vu de la situation matérielle et juridique du bien immobilier, sujet de la vente.

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