La loi de finances pour 2017 et la loi de finances rectificative pour 2016 modifient certains textes fiscaux en matière d’ISF dans un sens défavorable au contribuable. En premier lieu, la loi de finances pour 2017 instaure un mécanisme visant à lutter contre certains abus du plafonnement ISF consistant, via la capitalisation de dividendes dans une société holding patrimonial, à minorer le montant des revenus pris en compte dans le calcul du plafonnement. L’objectif du législateur est de permettre à l’administration fiscale de limiter les effets du plafonnement de l’ISF lorsqu’il serait estimé que le redevable a, grâce à l’interposition de sociétés, d’une part artificiellement minoré ses revenus disponibles et, d’autre part, financé son train de vie, notamment par des prêts, des remboursements de comptes courant ou des liquidités. Pour rappel, le plafonnement de l’ISF (article 885 V bis du CGI) a pour but d’éviter que le total formé par l’ISF et l’IR n’excède 75% des revenus de l’année précédant l’année d’imposition à l’ISF.
Afin de lutter contre ce détournement des règles du plafonnement via le recours à une « cash box », la loi a modifié l’article 885 V bis I du CGI. En effet, désormais les revenus distribués à une société passible de l’IS contrôlée par le redevable sont réintégrés dans les revenus à prendre en compte dans le calcul du plafonnement pour la part correspondant à une diminution artificielle des revenus retenus. Afin de procéder à cette réintégration, l’administration devra apporter la preuve que l’existence de cette société et le choix d’y recourir ont eu pour objet principal d’éluder tout ou partie de l’ISF en bénéficiant d’un avantage fiscal allant à l’encontre de l’objet et de la finalité du plafonnement.
En deuxième lieu, la loi de finances rectificative pour 2016 apporte des précisions sur certains régimes d’exonération des titres de sociétés détenus dans un cadre professionnel.
Le régime du gain d’imposition est à nouveau modifié. L’article 61 de la loi introduit une limite annuelle de 300 000 € au-delà de laquelle la fraction du gain d’acquisition d’actions gratuites est soumise au barème progressif de l’impôt sur le revenu, dans la catégorie des traitements et salaires. Cette fraction du gain taxée comme salaire, est corrélativement soumise aux prélèvements sociaux au titre des revenus d’activité au taux global de 8 %, et assujettie à la contribution salariale spécifique de 10 %.
Le gain d’acquisition ou la fraction des gains d’acquisition n’excédant pas 300 000 € reste soumis au régime de l’article 200 A, 3 du CGI, à savoir : une imposition selon le barème progressif de l’impôt sur le revenu après application, le cas échéant, des abattements pour durée de détention. Le gain est également soumis aux prélèvements sociaux sur revenus du patrimoine au taux global de 15,5 %. Par ailleurs, l’article 61 de la loi porte à 30 %, au lieu de 20 %, le taux de la contribution patronale spécifique. Ce taux s’applique quelle que soit la valeur du gain d’acquisition.
Entrée en vigueur : L’ensemble des modifications s’applique aux actions gratuites dont l’attribution a été autorisée par une décision de l’AGE postérieure à la publication de la présente loi de finances (soit postérieure au 30 décembre 2016).
Les donations aux adoptés simples (forme d’adoption qui laisse subsister les liens entre l’adopté et sa famille d’origine) bénéficient à nouveau du tarif en ligne directe. En effet, l’article 9 de la loi rétablit l’application du régime fiscal des transmissions en ligne directe pour les donations consenties par un adoptant à un adopté simple (mineur ou majeur) qui a reçu de l’adoptant, des secours et des soins ininterrompus au titre d’une prise en charge continue et principale pendant :
Entrée en vigueur : En l’absence de disposition particulière, cette mesure s’applique aux donations consenties à compter du 1er janvier 2017.
Le dispositif prévu pour les grosses réparations supportées par les nus-propriétaires est supprimé. L’article 32, I-4° de la loi supprime le dispositif spécifique de déduction du revenu global des dépenses de grosses réparations supportées par les nus-propriétaires. Ce dispositif permettait aux nus-propriétaires de déduire de leur revenu global le montant des dépenses de gros travaux dont le paiement leur incombe en application de l’article 605 du Code civil, que l’immeuble soit loué ou non. Applicable sur option irrévocable, la déduction des charges supportées par le nu-propriétaire était limitée à 25 000 € par an. La fraction des dépenses excédant ce montant était imputable dans les mêmes conditions, au titre des dix années suivantes. A défaut d’option, c’était le régime de droit commun des revenus fonciers qui s’appliquait, sous réserve que l’immeuble soit loué.
Les conséquences de la suppression du dispositif diffèrent selon que l’immeuble dont la propriété est démembrée est loué ou non :
Entrée en vigueur : La suppression du dispositif s’applique aux dépenses supportées à compter du 1er janvier 2017. Cependant, le dispositif continue de s’appliquer aux dépenses supportées en 2017 pour lesquelles le contribuable justifie de l’acceptation d’un devis et du versement d’un acompte au plus tard le 31 décembre 2016.
Les revenus tirés de la location meublée occasionnelle relèvent désormais des bénéfices industriels et commerciaux. En effet, l’ensemble des revenus perçus à compter de 2017 qui proviennent d’une location meublée relèvent désormais des bénéfices industriels et commerciaux, que cette activité soit exercée à titre occasionnel ou habituel. La qualification des revenus tirés de la location meublée ne dépend donc plus du caractère habituel ou occasionnel de la location. Désormais, toute personne qui donne en location directe ou indirecte des locaux d’habitation meublés exerce une activité relevant des bénéfices industriels et commerciaux. Cette mesure permet de pallier la difficulté tenant à l’appréciation au cas par cas du caractère habituel ou occasionnel de la location meublée. Seuls les revenus tirés de la location nue demeurent imposables dans la catégorie des revenus fonciers.
Compte tenu du caractère occasionnel de la location, les personnes qui louent en meublé relèveront généralement du régime micro-BIC, régime plus avantageux que le micro-foncier face au seuil et abattement. En effet, le régime micro-BIC s’applique dès lors que les recettes de l’année précédente n’excèdent pas 33 100 € (contre 15 000 € en micro-foncier) avec un abattement forfaitaire de 50 % (contre 30 % en micro-foncier). Les contribuables placés sous le régime micro-BIC devront désormais déclarer le montant de leurs recettes annuelles sur la déclaration complémentaire à la déclaration annuelle des revenus (n° 2042-C-PRO).
En cas de régime réel d’imposition, de plein droit ou sur option, les déficits subis sont imputables uniquement sur les bénéfices de même nature réalisés au cours de la même année et des dix années suivantes. Les contribuables placés sous le régime réel d’imposition devront déclarer, par voie électronique, le montant de leurs résultats sur la déclaration spéciale n° 2031, et le reporter sur la déclaration n° 2042-C-PRO.
De plus, l’article 18 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 redéfinit les critères d’affiliation des personnes exerçant une activité de location meublée saisonnière, c’est-à-dire de courte durée à destination d’une clientèle de passage, au régime social des indépendants. Sont ainsi obligatoirement affiliées à ce régime les personnes, autres que les loueurs de chambres d’hôtes, dont les recettes du foyer fiscal tirées de la location meublée saisonnière sont supérieures à 23 000 € par an.
Entrée en vigueur : Cette mesure s’applique à l’impôt sur le revenu dû à compter des revenus perçus en 2017.
Les concepteurs d’« applications » vendues par l’intermédiaire de boutiques d’applications, à des consommateurs finals établis dans différents Etats membres de l’Union européenne (« UE »), s’interrogent régulièrement sur les règles de TVA applicables aux opérations qu’ils réalisent par l’intermédiaire de ces plateformes de téléchargement. En particulier, il importe de déterminer s’ils facturent de la TVA à la plateforme de téléchargement ou directement au consommateur final.
Les règles régissant la fourniture de prestations de services électroniques ont été modifiées par le Règlement d’exécution (UE) n°1042/2013 du 7 octobre 2013. Ces règles sont entrées en vigueur au 1er janvier 2015 (article 3 du Règlement). Depuis le 1er janvier 2015, le lieu des prestations de services électroniques fournies à un preneur non assujetti à la TVA est désormais le lieu où le preneur est établi, a son domicile ou sa résidence habituelle, et non plus le lieu d’établissement du prestataire de services. Désormais, le prestataire qui fournit des services électroniques à un preneur non-assujetti à la TVA doit faire application des règles et des taux de TVA en vigueur dans l’Etat de résidence de cette personne.
Par mesure de simplification, un régime dit de « guichet unique » a été mis en place qui permet au prestataire d’effectuer, auprès d’un seul Etat-membre, toutes les démarches d’identification, de déclaration des prestations et de paiements de la TVA due dans chaque Etat membre.
Etant donné la particularité de ce régime, « il est essentiel d’établir avec certitude qui est le prestataire des services fournis, a fortiori lorsque ces services ne sont pas fournis directement au consommateur final, mais passent par des intermédiaires » (Notes explicatives publiées par la Commission Européenne le 3 avril 2014, page 23). À cet effet, le Règlement vise à déterminer qui est le prestataire qui fournit le service à la personne non assujettie lorsque « des services fournis par voie électronique sont fournis par l’intermédiaire d’un réseau de télécommunication, d’une interface ou d’un portail tel qu’une plateforme de téléchargement pour des applications » (article premier, 1), c) insérant un article 9 bis au Règlement d’exécution (UE) n° 282/2011 du 15 mars 2011 portant réforme de la territorialité des prestations de services).
Le Règlement pose une présomption en vertu de laquelle l’assujetti qui s’entremet dans une prestation de services électroniques sur internet, notamment en proposant le service sur une plateforme de téléchargement, est présumé agir en son nom propre mais pour le compte du fournisseur du service (intermédiaire opaque au sens de l’article 28 de la Directive TVA).
Cette présomption ne peut être renversée que si le fournisseur du service est explicitement reconnu par l’intermédiaire en question (la boutique d’applications ou la plateforme de téléchargement) comme étant le prestataire et que cela ressorte des accords contractuels conclus entre les parties.
Les conditions cumulatives suivantes sont exigées pour renverser la présomption :
Dans trois cas, l’intermédiaire ne peut réfuter la présomption selon laquelle il agit en tant qu’intermédiaire opaque (même si les conditions cumulatives ci-dessus sont satisfaites) :
Dans chacune de ces trois situations, l’intermédiaire est toujours réputé agir en son nom propre et ne peut pas désigner un autre assujetti comme étant le prestataire des services au consommateur final. Les notes explicatives de la Commission précisent qu’« il ne fait aucun doute que lorsqu’une boutique d’applications ou un portail propose à la vente un service électronique, il y a lieu de considérer qu’elle/il participe de manière prédominante à la prestation de services et que, par conséquent, elle participe à la fourniture au sens de l’article 9bis » (page 31).
De plus, parmi les trois situations dans lesquelles l’assujetti intermédiaire est dans l’impossibilité de réfuter la présomption posée à l’article 9bis du règlement (point iv ci-dessus), les Notes explicatives précisent (page 36) :
Il en ressort que ce dispositif a notamment pour objet de désigner les boutiques d’application comme intermédiaire opaque. Les dispositions prévues par le Règlement sont libellées de telle sorte que des intermédiaires de ce type ne peuvent que très difficilement renverser la présomption pesant sur eux. Si tel est bien le cas, le concepteur d’applications sera soumis aux règles de TVA régissant les relations entre professionnels et ne relèvera pas de la procédure dite de « guichet unique ». Il faudra néanmoins vérifier dans chaque situation, si les éléments de fait et les rapports de droit entre les parties autorisent la plateforme de téléchargement à renverser la présomption d’intermédiaire opaque pesant sur elle.