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Fin de la règle « le silence vaut rejet »

Date de publication : 25.11.14

droit public

le silence vaut rejet

Patrick Lopasso

C’est une règle vieille de 150 ans qui a pris fin le 12 novembre 2013.

Guidé par une volonté de simplification et d’amélioration des relations avec les citoyens, le gouvernement a décidé qu’une absence de réponse de la part de l’administration pendant deux mois vaut désormais acceptation. Cette nouvelle règle, qui comprend des exceptions, est applicable aux demandes présentées à compter du 12 novembre 2013.

Maître Patrick LOPASSO avocat au barreau de Toulon, spécialisé en droit public, fait le point sur ce que cette mesure change concrètement.

Une révolution…

L’absence de réponse de l’administration est désormais créatrice de droits. Jusqu’alors, le silence gardé par l’administration pendant plus de deux mois sur une demande valait décision de rejet. La loi du 12 novembre 2013 habilitant le Gouvernement à simplifier les relations entre l’administration et les citoyens a renversé le principe, en prévoyant que l’écoulement du délai vaudrait désormais accord tacite.

Il ne s’agit plus de créer un droit au juge mais un véritable droit à la décision. Le particulier ou l’entreprise est donc, implicitement, autorisé à agir et l’administration ne pourra plus évoquer un refus a posteriori. Mais attention, la nouvelle règle ne dispense pas l’administration de son devoir de répondre dans les meilleurs délais aux demandes qui lui sont adressées. Le principe du « silence vaut accord » permet ainsi d’assurer que les éventuels retards de l’administration ne préjudicient plus aux demandeurs. En ce sens il faut comprendre qu’il s’agit bien d’une simplification administrative majeure pour les entreprises et les particuliers en attente d’une autorisation administrative, ce qui devrait accélérer les délais de réponse à leurs demandes.

Une bonne nouvelle donc pour les administrés qui critiquent souvent la lenteur et l’opacité de l’administration française. Le nouveau dispositif doit donc être considéré comme visant à assurer la mobilisation des administrations vis-à-vis des demandes dont elles sont saisies et à leur imposer une obligation de vigilance aussi bien que de célérité. De l’aveu même du Conseil d’Etat, l’administration doit aujourd’hui faire face à un véritable changement de culture. Le souci majeur du gouvernement est de permettre que chaque demande fasse l’objet d’un examen effectif et d’une attention particulière. L’envoi d’un accusé de réception lorsque le dossier est complet fait partie des enjeux majeurs.

En parallèle le ministère doit également s’adapter et faire en sorte que l’administration puisse retirer une décision implicite d’acceptation qui s’avérerait illégale.

… Assortie d’exceptions

Si le nouveau principe « silence valant accord » est entré en vigueur le 12 novembre 2013 pour l’État et ses établissements publics, ce n’est que dans un an, le 12 novembre 2014, que la réforme sera applicable pour les collectivités territoriales, les organismes de sécurité sociale et les autres organismes chargés d’une mission de service public.

Si certains auteurs ont pu parler de « petite révolution administrative » force est de constater que le législateur a pris soin de calmer les esprits les plus révolutionnaires tant la nouvelle réglementation est assortie de nombreuses exceptions qui conduisent à considérer que l’impact de ce nouveau dispositif est beaucoup plus limité qu’il n’y paraît. C’est ainsi que le silence continue de valoir rejet, notamment :

  • lorsque la demande ne tend pas à l’adoption d’une décision individuelle ; et il s’agit d’un détail de taille puisque beaucoup d’actes qui concernent directement les citoyens ne sont ainsi pas concernés par la nouvelle réglementation. C’est notamment le cas des permis de construire ou de démolir.
  • lorsqu’elle « ne s’inscrit pas dans une procédure prévue par un texte législatif ou réglementaire ou présente le caractère d’une réclamation ou d’un recours administratif » ;
  • lorsqu’elle présente un caractère financier ;
  • « dans les cas, précisés par décret en Conseil d’Etat, où une acceptation implicite ne serait pas compatible avec le respect des engagements internationaux et européens de la France, la protection de la sécurité nationale, la protection des libertés et des principes à valeur constitutionnelle et la sauvegarde de l’ordre public » ;
  • « dans les relations entre les autorités administratives et leurs agents ».

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